Martialité et style vestimentaire : aller plus loin [1/2]
Tamaki sensei au dojo Tenshin à Paris
Vous vous demandez sans doute dans quel délire je suis parti avec la martialité et le style vestimentaire.
Nous allons le voir.
Je devais d’abord poser ma réflexion de base et maintenant, nous pouvons aller plus loin ensemble.
Pour ceux qui n'ont pas lu les parties 1 et 2 de ma réflexion de base, je vous invite fortement à le faire avant de lire le présent article car je vais vraiment aller (beaucoup) plus loin.
Bien, pour ceux qui ont déjà tout lu, suivez moi.
La martialité dans le style vestimentaire telle que je la conçois et vous l'ai définie, était capitale pour Gyappu.
Pourtant je n'en ai pas parlé au tout début de Gyappu alors que ce concept a été central dans sa philosophie.
Si vous avez lu tous les articles de la partie "Réflexions sur l'esthétique japonaise", vous aurez noté que j'ai commencé à vous donner des informations compilées sur des concepts esthétiques japonais.
C'est parce qu'il fallait commencer par...
Les fondations
Photo Laurent Sikirdji
Il faut voir Gyappu comme le vaste chantier d'un temple où viennent se recueillir art tailleur et codes du système esthétique japonais.
D'abord, j'ai voulu assurer les fondations en vous exposant les principaux idéaux esthétiques (même si il en reste encore à vous présenter), puis j'ai commencé à monter les murs (ce que je fais en ce moment), et bien bien bien plus tard je poserai le toit.
Ensuite, viendra le temps de s'occuper de l'agencement intérieur des pièces, des sols, des peintures, des tapisseries...
La construction de ce temple répond à une logique - qui aux yeux du non-initié est en partie évidente et en partie cachée (il ne peut connaître toutes les raisons qui me poussent à suivre un ordre de construction plutôt qu'un autre, avec un choix précis de matériaux à chaque étape).
Ce qui est évident, c'est que personne n'ira demander pourquoi je ne pose pas le toit avant de construire les murs...
Personne ne se croirait assez intelligent pour me dire :
"Si tu construis le toit après avoir monté les murs, c'est que tu combles un manque."
C'est vrai que la pose d'un toit comblerait un manque.
Oui, bien entendu : il "manque" le toit.
Mais ça, c'est le degré zéro de l'analyse.
En fait, je poserai le toit à un moment donné parce que cela répondra à une logique (un plan d'ensemble), et que je soumettrai Gyappu à des lois qui me semblent, en théorie ET en pratique, pertinentes.
D'ailleurs si je décide de faire les choses à l'envers, personne ne se rendrait compte de la supercherie. Peut-être même que tout se passera bien après tout...
Mais, dans la majorité des cas, suivre une logique éprouvée et raffinée - que ce soit celle du peuple japonais avec son système esthétique ou celle du système tailleur - reste la meilleure chose à faire.
Or quand on ne connaît pas les soubassements conceptuels des deux systèmes à marier, on a forcément beaucoup de mal à comprendre les problèmes survenant ultérieurement et il est encore plus difficile de percevoir des contraintes inhérentes à cette greffe des deux systèmes.
C'est pour cela que j'ai pris le temps de vous écrire sur les fondations, car pour comprendre mon travail et ma recherche, il faut avoir bien intégré les bases (donc tout lire héhé).
Pour finalement prendre acte de...
La clé de voûte
Dans l’architecture de Gyappu, il y a donc une logique de construction que je suis "religieusement".
Si je ne fais pas telle ou telle pièce à tel moment, c'est que ce n'est pas le moment.
Et si je décide de le faire plus tard, c'est que c'est devenu le moment.
Je ne comble pas un "manque de la collection", j'agis simplement au moment opportun.
Si Gyappu agence des pièces à un moment donné et que cet agencement vient à se complexifier avec le temps, avec des ajouts de tissus, de pièces, de codes tailoring, de principes du fond esthétique japonais... Ce n'est pas pour combler un "manque".
C'est plutôt que j'opère par étapes, afin que la construction de chaque pièce permette de créer les conditions optimales pour exprimer le maximum de martialité au porteur.
En matières de style, beaucoup mettent sur le même plan (et mélangent) la logique opérationnelle, la logique passionnelle, la logique esthétique et la logique de construction.
Après 10 années à observer les passionnés du vêtement sur les forums, dans la rue, à des rencontres, au travail, j'ai très souvent constaté que beaucoup veulent absolument "combler des manques" dans leur vestiaire.
Sauf que la construction d'un vestiaire faite avec comme trame de fond majoritaire cette volonté de combler un manque, n'amène pas forcément à la construction d'un vestiaire opérationnel, équilibré (stylistiquement) et surtout... durable.
Un vestiaire construit de la sorte possède une martialité faible voire nulle, par manque d'éco-systémie.
De là, j'ai mis un point d'honneur dans ma recherche pour obtenir un style "fonctionnel" rapidement, sans avoir à rajouter sans cesse des pièces et que l'efficacité des pièces soit (quasi) instantanée.
Ceci est rendu possible avec une réflexion profonde et engagée dans la synergie des pièces et la prise en compte de l'environnement - autrement dit grâce à une recherche irréductible de martialité.
Et c'est juste ici que vous commencerez à toucher du doigt la VRAIE clé de voûte de Gyappu.
Il s'agit en réalité du lien entre art tailleur, esthétique japonaise et martialité stylistique.
C'est le ciment que j'ai coulé et qui permet à l'édifice de s’ériger puis de tenir dans le temps.
Et c'est ce dont traite la 2ème partie.
Chemise à col boutonné en denim et cravate Kihon VI
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